L'islam, encore l'islam...

Publié le par Nicolas Honoré

Et l’on va encore reparler de l’Islam cette semaine, avec la tenue du procès intenté par des organisations islamiques (La mosquée de Paris, l’UOIF –Union des Organisations Islamiques de France, et la Ligue Islamique Mondiale) contre le journal satirique Charlie Hebdo, qui avait publié en février de l’année dernière les fameuses caricatures danoises qui ont déchaîné tant de passions dans le monde musulman… Et comme chaque fois, les discours des deux camps seront bien rodés : défense inconditionnelle de la liberté d’expression dans le camp de la défense, et condamnation de l’ « islamophobie » dans le camp de l’accusation. Le camp du bien versus le camp du mal, suivant son positionnement… Bref, un énième remake des gentils contre les méchants. Et la nuance dans tout ça ? Et la complexité ? Est-il possible d’ailleurs de ne se reconnaître dans aucun des deux camps ? Robert Redeker, le désormais célébrissime philosophe fera-t-il telle une guest star une apparition surprise dans le banc des témoins entre les deux François, Bayrou et Hollande, qui sont prévus au programme ?

Et toute cette affaire Redeker, parlons-en un peu… Avant « l’affaire » je connaissais Redeker par la lecture d’articles fort intéressants publiés dans des journaux comme Marianne, où il dissertait finement sur les rapports entre société et technique, entre société et sport, etc. Il avait aussi l’année dernière participé au « festival lillois de philosophie » dont je vous avais parlé lors d’un précédent post. Et quand il a publié son article dans le Figaro, article qui lui a valu les menaces de mort d’islamistes, je l’ai lu une première fois rapidement, et l’athée que je suis était globalement en accord avec l’article, mais à partir d’une lecture plus attentive, j’ai commencé à « tiquer » comme on dit… Et je dois avouer que l’émission récente de l’excellent Taddéï consacré à Redeker à l’occasion de la parution de son livre de témoignage n’a pas réussi à lever mes doutes, bien au contraire… Et puis ce comité de soutien à Redeker avec l’invraisemblable BHL, et ce meeting de soutien à Toulouse co-organisé par… le CRIF, oui le CRIF !!! Et Redeker dont on apprend qu’il est l’ami du non moins invraisemblable André Glucksmann, et qu’il était un farouche partisan de l’effroyable guerre en Irak… Et cette américanophilie délirante, et ce soutien sans faille de la politique israélienne… Non décidément on ne peut que très timidement défendre Redeker… Et l’émission de Taddéï a fini de me persuader de l’imposture du bonhomme… Face à Redeker se trouvait le philosophe Henri Pena-Ruiz, pas mauvais, mais pas toujours très convaincant non plus, mais surtout il y avait un certain Abdelwahab Meddeb, un écrivain tunisien qui était présent à la dernière édition de Cité Philo, et qui est un brillant érudit de l’Islam, dont il est une des figures « réformatrices », et qui a brillamment porté la contradiction à Redeker, avec une intelligence et une profondeur rares. Car s’il a soutenu Redeker contre les menaces dont il faisait l’objet, il n’en a pas moins critiqué le texte, dont la médiocrité et le simplisme était étonnant pour quelqu’un qui se prétend philosophe. Car le problème avec ce texte, c’est que, le moins que l’on puisse dire, c’est qu’il ne fait pas dans la nuance, en affirmant par exemple que tout musulman est éduqué dans une « culture de la violence », et donc qu’en tout musulman sommeille un islamiste terroriste. Voilà qui ne risque pas d’aider les musulmans modérés qui travaillent à un examen critique du Coran et des traditions islamiques… Et puis imaginons, comme l’ont relevé certains, que dans un tel texte, les mots « islam » et « musulmans » aient été remplacés par « judaïsme » et « juifs », imagine-t-on que ce texte aurait trouvé autant de défenseurs « inconditionnels » ? De là à parler d’un injuste « deux poids, deux mesures… » . Et si Redeker semble mettre le doigt sur certaines réalités (la violence « descriptive » de l’Ancien Testament contre la violence « prescriptive » du Coran ; Jésus la figure pacifique contre Mahomet le guerrier), pourquoi le fait-il avec autant de maladresse en noyant ces quelques justes remarques dans un océan d’approximations, d’amalgames, qui semblent témoigner d’une réelle méconnaissance du sujet ?
 
Tout cela laisse perplexe… Faudrait-il alors comprendre que l’article de Redeker s’inscrit dans une stratégie globale de « guerre des civilisations » ??? Et le procès de cette semaine va-t-il nous éclaircir sur les enjeux cachés de cette « guerre » latente ? Rien n’est moins sûr, tant les médias sont de par leur nature même des vecteurs de simplification…
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